(ni ceci ni cela)

mardi 21 juin 2016

Regarde, regarde, regarde les phénomènes.






Voici des années que j'aime le regard de François Matton et que je ne sais comment le lui dire parce qu'il est impossible d'épuiser précisément ce sentiment de vivre qui le constitue. Rien ne me fait davantage basculer dans le rêve que cet œil à deux faces, l'une dirigée vers le monde, l'autre vers l'espace intérieur. 
Par magie de plume d'encre, crayons divers, pinceaux ou tracés numériques, surgissent sur fond immaculé des corps magnifiques, dessinés comme s'ils étaient d'évidence, des bouches à se damner, des forêts où se perdre, des objets éparpillés du quotidien, des monuments isolés dans le ciel aux rayonnements de cinéma, des maisons de quartier, des lapins aperçus en promenade, des jouets et des visages. Le gaufrier des cases, quand il est maintenu, devient une pure séquence d'instants volés, un cabinet de curiosités, un dispositif volontiers expérimental, qui scande les fragments d'une autobiographie suggérée. Il construit déjà, quand je le découvre vers 2009, un monde suspendu dans chaque moment dessiné, un arc fixé dans l'espace entre la rétine-témoin et les objets pris dans son spectre à géométrie variable. Regarde, regarde, regarde les phénomènes. (...)
Luc Vigier, La Nouvelle Quinzaine littéraire.